Post mortem - 1 année effacée de la mode.
Depuis plusieurs années, je m’efforce d’exercer mon métier en accord avec mes valeurs. En 2020, j’ai pris une décision radicale : ne plus utiliser aucune fibre synthétique, consciente de l'impact environnemental de ces matières. Ces fibres, une fois jetées, persistent sous forme de microplastiques et polluent durablement nos écosystèmes. J'ai également cherché à travailler en circularité, en concevant des vêtements et des objets non pas comme des produits jetables, mais comme des éléments d’un cycle infini, où rien ne se perd et tout se transforme.
Pourtant, la mode, telle qu’elle existe actuellement, reste une industrie qui produit trop, trop vite, et génère trop de pertes. À ce jour, je continue de me questionner : comment créer autrement, sans alimenter cette spirale de surproduction ? Suis-je encore à ma place dans cet écosystème, ou dois-je repenser mon rôle en tant que designer ? Comment calmer mon éco anxiété et vivre de ma passion? Cette année de recul m’a permis de plonger profondément dans ces interrogations, et je sens que cette réflexion s’intensifie de jour en jour, m’incitant à remettre en question ma place et mon impact dans la création.
Comprendre la circularité pour mieux agir
En 2023, j’ai suivi une formation en gestion circulaire des produits d’habillement chez Vestech Pro, le laboratoire de recherche de l’école de mode du Cégep Marie-Victorin. Cette expérience m'a plutôt marquée, me donnant des outils concrets pour repenser le cycle de vie des objets. J’y ai appris que la circularité ne se limite pas au recyclage, mais repose sur une approche systémique où chaque acteur de la chaîne de production joue un rôle clé. Cette formation m'a aussi permis de comprendre l’importance de la symbiose entre les entreprises : une vraie circularité nécessite des collaborations intelligentes où les déchets des uns deviennent les ressources des autres.
Cependant, il est crucial de souligner que certaines entreprises ne comprennent pas pleinement ce principe et se contentent de réutiliser des biens sans les intégrer dans une boucle durable. Résultat : au lieu de prolonger indéfiniment la vie des matériaux, ces initiatives aboutissent souvent à une simple étape intermédiaire avant l’enfouissement, perpétuant ainsi un cycle linéaire sous le couvert de la durabilité — un parfait exemple d’écoblanchiment. Il est essentiel de savoir reconnaître les discours trompeurs des marques qui revendiquent une fausse durabilité.
Vers un changement nécessaire
Chaque année, plus de 92 millions de tonnes de déchets textiles sont générés à l’échelle mondiale. La plupart finissent incinérés ou enfouis, libérant polluants et microplastiques dans l'environnement. Mais et si nos vêtements ne devenaient plus jamais des déchets ? Si l’on veut éradiquer les déchets textiles, il faut repenser entièrement la conception des vêtements en privilégiant des fibres naturelles et accessibles comme : le coton (idéalement biologique et non teint chimiquement), le lin (une fibre solide et peu gourmande en eau), le chanvre (encore sous-utilisé, mais extrêmement résistant et écologique), et la laine (biodégradable et durable).
En revanche, les fibres synthétiques comme le polyester, le spandex et l’acrylique, issues du pétrole, sont particulièrement polluantes. Ces matériaux génèrent des microplastiques à chaque lavage et restent dans l’environnement pendant des centaines d'années après leur utilisation. Même recyclées, elles perpétuent une industrie pétrochimique qui ne peut pas être durable à long terme… et que dire des vêtements fait en bouteilles de plastique recyclées… retirer le plastique de sa boucle de recyclage pour devenir un vêtement; qui terminera à l’enfouissement… je pourrais écrire un billet entier à ce sujet…
Une pause pour imaginer un autre avenir
Ce temps de recul représente pour moi une occasion pour continuer d'explorer de nouvelles voies sur les pratiques de design éthique. Je veux réfléchir à ce que cela signifie être designer dans un monde où produire ne peut plus être un acte anodin. Peut-on imaginer un avenir où la mode ne serait plus un problème écologique, mais bien une solution durable, bénéfique pour l’environnement et pour les générations futures ?
C'est la question qui continue de guider ma réflexion, et je me fais une promesse : continuer à explorer, à apprendre, et à remettre en question ce que je fais pour trouver de nouvelles réponses et de nouveaux chemins pour une mode plus responsable et plus respectueuse de notre planète.
++ Avez-vous déjà ressenti ce besoin de tout remettre en question pour mieux avancer ?