Symbiose entre déchets textiles et biotechnologie

EXORDIUM

À l'intersection de la nature et de l'innovation, le mycélium, organisme vivant et intelligent, prend place dans un monde où la matière se transforme. Ce projet explore son potentiel pour redéfinir nos pratiques de fabrication, ouvrant la voie à un futur où la symbiose entre biotechnologie et matériaux tissés pourrait réinventer notre relation à la matière.

Au-delà de l'expérimentation, cette démarche porte un message essentiel : celui de la fin de vie du tissu, de la gestion des déchets textiles et de l'impact de l’industrie de la mode sur l'environnement. En sensibilisant designers, fabricants et consommateurs, nous avons l'opportunité de repenser non seulement ce que nous créons, mais aussi ce que nous laissons derrière nous. Un futur où la matière, comme la nature, n'est jamais vraiment perdue, mais se transforme.


À PROPOS DU MYCÉLIUM

Le mycélium est un réseau de filaments fongiques, appelés hyphes, qui constitue la partie végétative des champignons. Il joue un rôle essentiel dans la dégradation des matières organiques. Utilisé comme biomatériau, il offre des solutions durables pour des domaines tels que la construction, le design ou la recherche matérielle. Lorsqu’il est cultivé sur des substrats organiques, il forme une matière solide, légère et biodégradable. Ce matériau écologique et renouvelable représente une alternative responsable aux matériaux issus de ressources non renouvelables.


UN PROCESSUS DE MOULAGE VIVANT

Les pièces de ce projet prennent forme à travers un processus de moulage, où les retailles textiles servent de support nutritif à l’organisme. Après une préparation appropriée, les matières sont déposées dans des matrices qui orientent la morphologie finale de l’objet. La croissance s’effectue ensuite dans un environnement à paramètres contrôlés (température, humidité, obscurité), afin de stabiliser les conditions nécessaires au développement fongique. Dans cet espace régulé, le mycélium colonnise le substrat, tisse ses filaments et construit progressivement une architecture interne, liant les fibres entre elles.


MON PARCOURS ET MA DÉMARCHE

Fondatrice de la marque Esser Studio, je suis designer de vêtements et d’objets. Mon travail se situe à l’intersection du design, de la recherche et de l’innovation durable. Je m’intéresse aux interactions entre le textile et les innovations biologiques, cherchant des solutions pour une mode plus résiliente et régénérative. Depuis plusieurs années, je m’intéresse au mycélium et à ses applications dans le remplacement de matériaux polluants. Initialement fascinée par son potentiel pour substituer le styromousse, j’ai rapidement découvert ses usages dans la construction, le design d’objets et, plus récemment, le recyclage textile. Cette matière vivante et adaptable me fascine par ses propriétés écologiques et son champ d’application étendu.

L’an dernier, j’ai eu l’opportunité de collaborer avec un laboratoire de recherche en mycologie pour explorer le potentiel du mycélium dans le recyclage des déchets textiles. Mon objectif était d’imaginer comment les résidus de l’industrie de la mode pourraient être transformés en biomatériaux. Cette expérience m’a confortée dans l’idée qu’un futur est possible où nos ressources ne sont plus extraites et jetées, mais cultivées et régénérées. Cette approche repose sur une vision systémique du design, où chaque matériau est pensé non seulement pour son usage, mais aussi pour sa fin de vie et son potentiel de réintégration dans un cycle durable.

LE MYCÉLIUM, UNE RÉVOLUTION POUR LA MODE ?

Lors de mes recherches sur le recyclage textile, j’ai découvert une capacité fascinante du mycélium : sa faculté à décomposer et digérer certaines fibres, en colonisant les substrats textiles. Contrairement aux procédés mécaniques ou chimiques souvent polluants, cette approche biologique ouvre la voie à une circularité réelle et efficace dans l’industrie de la mode. Le mycélium peut se nourrir de morceaux de tissus, les transformer et les réintégrer dans un cycle de biodégradation contrôlée. Des expérimentations en laboratoire montrent qu’il est déjà possible d’accélérer la décomposition des vêtements usagés et d’en tirer de nouvelles matières exploitables, réduisant ainsi l’accumulation de déchets textiles dans les décharges ou les océans. L’idée d’un monde sans déchets textiles peut sembler utopique, mais des solutions existent déjà. Ce qui manque encore, c’est une transformation profonde des modèles économiques et une prise de conscience collective. Alors, et si la question n’était plus « Où enfouir nos déchets ? », mais plutôt « Comment les faire disparaître naturellement ? »


PHASE 1 — UNE PREMIÈRE APPLICATION CONCRÈTE: LE CHANDELIER

Avant d’envisager l’intégration du mycélium dans le recyclage textile à plus grande échelle, j’ai voulu expérimenter sa capacité à transformer mes propres déchets de production. Ainsi est née la première phase de ce projet : la création d’un chandelier conçu à partir des retailles de mes précédentes collections de vêtements. Cette expérimentation a marqué un pont entre les collections Esser Vêtements et Esser Maison, liant mes deux univers créatifs dans une démarche de circularité appliquée. Les textiles inutilisés, autrefois considérés comme des déchets, sont devenus la matière première d’un objet décoratif.

Ce projet pilote illustre la possibilité de réinterpréter les résidus de mode autrement qu’en simples rebuts. Il montre comment le mycélium peut structurer et valoriser des textiles en fin de vie, offrant une nouvelle approche du design et de l’économie circulaire. Cette première application a ouvert la voie à de nouvelles pistes de recherche et d’innovation. Mon objectif est désormais de poursuivre les tests avec les professionnels de ce milieu, pour améliorer les propriétés techniques des matériaux, en optimisant leur résistance, leur durabilité et leur adaptabilité à différentes applications.

L’avenir du textile ne se résume plus à sa production, mais à sa fin de vie et à sa réintégration dans un cycle naturel. Le mycélium devient ainsi bien plus qu’un matériau innovant : il est un agent de transformation capable de redéfinir notre rapport à la matière.

Marie-Christine Fortier — designer, Esser Studio

S’harmoniser avec le vivant – Éditorial photo

Pensées comme un dialogue entre la mode et la nature, ces images accompagnent la réflexion centrale du projet : comprendre l’impact de notre industrie sur l’environnement et imaginer une manière nouvelle d’interagir avec le vivant. En écho aux recherches menées sur le mycélium, cette série photographique évoque une évolution vers une mode plus consciente, où la transformation devient matière, langage et processus.


Crédits photos - Éditorial
Photographe – Antoine Larochelle
Set Designer & DC photos – Maude Sen

Remerciements Annie Ferlatte, Geoffroy Renaud, Sodec - Innovation









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Post mortem - 1 année effacée de la mode.